L'hérésie cathare est très populaire au sein du Val des Bois, où elle est source à la fois de dissension et d'harmonie, comme dans tout le Languedoc.
Origines du catharisme
Le catharisme, comme bien d'autres mouvements religieux de l'époque, dérivait semble-t-il du manichéisme, à travers le paulicisme puis la doctrine bogomile, apparue à Constantinople au début du XIIème siècle. Il se répandit à travers toute la France, et même l'Europe, mais s'implanta particulièrement bien en Languedoc, terre fertile en hérésies. Il faut en effet signaler que les cathares n'étaient pas les seuls à contester l'Eglise romaine, puisque nombre d'autres sectes, moins importantes, subiront également la croisade. Les "albigeois", comme les appelèrent leurs ennemis, n'étaient donc pas tous cathares - du grec katharoi, purs, nom qu'ils se donnaient à eux-mêmes.
A la fin du XIIème siècle, les cathares sont très puissants et écoutés dans les comtés de Toulouse et de Foix.
La réponse de l'Eglise à cette "invasion", très violente, apparaît de son point de vue justifiée : les hérétiques contestent nombre de ses dogmes les plus importants, ce qui est terriblement impie, et gagnent en puissance, ce qui pourrait bien finalement la mettre en péril.
Croyances
Les cathares, contrairement à l'Eglise romaine, ne s'appuient pas sur l'Ancien Testament, qui dépeint un Dieu vindicatif. Ils n'acceptent pour base de leur foi que le Nouveau Testament et sont persuadés que le monde matériel n'a pas été créé par Dieu mais par un démiurge mauvais, Satan : n'est-ce pas la seule explication logique au mal qui rôde partout, accablant les justes comme les mécréants, et à la mort? Dieu, qui est parfait, ne peut créer que des choses parfaites et donc éternelles.
Satan, par le mensonge et la flatterie, est parvenu à entraîner certaines des âmes forgées par Dieu et à les emprisonner en ce monde, où elles ont perdu la mémoire de ce qu'elles sont. A cause de la chair qui les entoure, émanation corrompue d'une entité corrompue, elles ont glissé au péché. Mais elles n'en restent pas moins parfaites par essence. Simplement, le royaume de Satan les "alourdit" et les empêche de se libérer pour retourner à leur créateur ; lorsque leur prison de chair meurt, elles ne peuvent que se réincarner une fois de plus.
Dieu, incapable d'intervenir directement au sein de la création faussée de son adversaire, y a cependant envoyé un de ses fils (le Christ) pour montrer à ses brebis égarées le chemin du salut. Il leur suffit de devenir de Bons Chrétiens, grâce au consolamentum (voir ci-après), pour rentrer dans Sa lumière - la crucifixion, avec sa violence barbare, ne saurait être rédemptrice.
Le consolamentum
Pour les cathares, on ne peut libérer son âme que d'une seule manière : en devenant un Bon Chrétien grâce au consolamentum, l'unique cérémonie de leur religion, le baptême de l'esprit (par opposition au baptême de l'eau catholique, qu'on fait subir à des enfants incapables d'en comprendre la signification).
La plupart des gens acquis aux théories cathares sont de simples croyants (ils se qualifient de vrais croyants, pour se distinguer des catholiques romains), qui ne peuvent se libérer de l'influence de la chair et donc du péché. Si, à un moment quelconque de leur existence, ils s'estiment prêts à vivre désormais suivant les préceptes divins, ils demandent le consolamentum. Il leur faut cependant passer une année sans pécher pour se le voir accorder. Une fois consolés, ils sont des Bons Chrétiens - des parfaits dira l'Eglise (le nom leur restera), car ils sont alors de parfaits hérétiques.
Les Bons Chrétiens ont fait voeu de chasteté, de ne pas prêter serment, mentir ou blasphémer (préceptes de l'Evangile), mais aussi de vivre désormais en communauté (au moins avec un socius, lorsqu'ils sont itinérants), de prier à heures fixes, de rester pauvres et sobres ; la viande, les oeufs et les laitages leur sont interdits, car se sont des produits du coït (il en va différemment du poisson, qu'on croit né de l'eau ou se reproduisant par sisciparité). Ils peuvent eux-mêmes administrer le consolamentum et, à leur mort, leur âme est libérée de ce monde.
Mais si l'un d'eux vient à pécher, ne serait-ce qu'une seule fois, cela signifie que le mal a encore prise sur lui, et son baptême s'en trouve annulé, de même que tous ceux qu'ils a célébrés.
On console également les mlourants, mais le consolamentum a alors une signification légèrement différente : celui qui le reçoit témoigne ainsi sa fidélité aux idéaux cathares et meurt en Bon Chrétien, si bien que son incarnation suivante le rapproche du salut - il est plus à même de vivre sans pécher. Si le croyant se remet, il perd le bénéfice de ce consolamentum, puisqu'il retombe au péché, mais rien ne l'empêche d'en recevoir un autre plus tard.
La vie des cathares
Les simples croyants mènent une vie normale, en s'efforçant de devenir de Bons Chrétiens (pour ceux qui en ont le courage). les parfaits, quant à eux, respectent leurs voeux à la lettre. Les hommes voyagent beaucoup, par deux, pour répandre la parole de Dieu. Les Bonnes Dames, elles, sont plutôt chargées de l'éducation religieuse des enfants et des jeunes, si bien qu'elles quittent peu leur maison.
La maison cathare abrite une communauté comprenant des Bons Chrétiens comme de simples croyants, tous travaillant pour subvenir aux besoins du groupe, sous la bienveillante autorité de l'ancien (un parfait). Les parfaits d'autres régions y sont bien accueillis et peuvent donc s'y arrêter pour se reposer lors de leurs errances.
Ces maisons forment la cellule de base de l'Eglise cathare, qui est en effet bien structurée. Elle compte plusieurs évêques, tous en charge d'un diocèse et secondés par des diacres. Ceux-ci transmettent les instructions de leur supérieur (relatives aux itinérances des parfaits) dans les maisons, où ils célèbrent en outre les services et veillent au respect du rituel du consolamentum. Deux d'entre eux sont le Fils majeur et le Fils mineur de l'évâque. Le premier lui succédera à sa mort, le second devenant à sont tour Fils majeur, tandis que le nouveau prélat choisira un autre Fils mineur. Néanmoins, évêques et diacres vivent aussi pauvrement et chastement que les autres Bons Chrétiens. Ce sont par tradition eux qui consolent les croyants désireux d'accéder au rang de parfaits, les simples parfaits n'administrant que le consolamentum des mourants.
Les cathares et la société
Si l'hérésie se répand aussi vite en Languedoc, c'est en partie parce que la noblesse ne lui est pas hostile. Pourtant, d'après les cathares, toute chair est également mauvaise, ce qui signifie que tous les hommes sont égaux. MAis pour les nobles impécunieux, aux fiefs minuscules, les prêches des parfaits contre la violence et autres crimes ont sans doute moins d'importance que la dîme prélevée par l'Eglise romaine. Quant aux grands seigneurs, tolérants et insouciants comme ils savent l'être en ces contrées, peut-être leur semble-t-il chic de se démarquer du commun des mortels. Et puis les cathares ne cherchent pas à accroître leur puissance et leur richesse ou à étendre leurs terres, contrairement aux envoyés du pape.
De plus, nombre de nobles dames embrassent très vite la foi cathare, beaucoup plus douce à la femme que le catholicisme, puisqu'elle ne reconnaît pas le péché originel (et donc la faute d'Eve) et considère les deux sexes comme égaux. Or, dans les familles, c'est à la mère que revient le soin d'éduquer les enfants pour tout ce qui ne touche pas au métier des armes...
N'étant pas combattu par les grands, le catharisme s'impose aussi parmi les classes populaires ; ce qui n'a rien d'étonnant, étant donné sa doctrine et le mode de vie des Bons Chrétiens.
Il est porteur d'espoir, surtout pour les pauvres gens, qui n'ont à attendre du clergé aucune indulgence : au terme d'innombrables réincarnations, disent les parfaits, toutes les âmes regagneront le PAradis (alors que, d'après l'Eglise romaine, le moindre péché implique le purgatoire, voire l'Enfer éternel... pour ceux qui n'ont pas les moyens d'acheter son indulgence).
En outre, les Bons Chrétiens, contrairement à nombre de prêtres ou d'évêques officiels, respectent scrupuleusement leurs voeux et ne tirent aucun avantage de leur position. Ils travaillent même pour subvenir à leurs besoins, au lieu de se faire entretenir par leurs fidèles. Pour les grands bourgeois (car il en existe déjà, qui battent en brèche la pouvoir seigneurial), s'ajoutent à ces raisons le désir de copier la noblesse.
Les cathares et l'Eglise
Face aux parfaits, le clergé officiel apparaît corrompu et, du moins pour ses représentants de rang inférieur, d'une ignorance crasse : les prélats se vautrent dans un luxe insolent, nombre de prêtres sont paillards et ripailleurs, certains ayant à ce point oublié ce qu'ils ont appris au séminaire qu'ils ne comprennent même plus le latin dans lequel ils célèbrent la messe. Et tous, bien sûr, vivent du travail et de l'argent des fidèles.
Le pape, Innocent III, espérant ramener au sein de l'Eglise les brebis égarées, fait organiser des conférences publiques au cours desquelles parfaits et prêtres échangent des arguments. Mais les hérétiques s'avèrent très souvent plus à même de défendre leur point de vue que leurs adversaires, ce qui est d'ailleurs bien normal : comment prouver que quelqu'un qui vit dans la chasteté, la pauvreté et le travail est un instrument de Satan? Il faut l'intervention de théologiens avisés et retors pour mettre à mal l'idéologie cathare - et les croyants ont généralement une foi trop ardente pour en être ébranlés, même si on les menace des flammes de l'Enfer.
Jeu 8 Mai - 10:06 par Oirdraz
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Sujet: Le catharisme 
